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Jon Adams – Artiste et géologue, auto-représentant

« Tout peut être de l’art, y compris sa propre expérience et sa nature profonde »

Jon Adams est artiste britannique et géologue. Il a découvert qu’il était autiste et dyslexique à l’âge adulte. Aujourd’hui, il est ambassadeur culturel auprès de la National Autistic Society (NAS),  soutient le projet Autism Mental Health à l’université de Coventry et artiste associé du Nouveau Théâtre Royal de Portsmouth.

Créateur numérique, poète et défenseur de la neurodiversité, Jon Adams, autiste, est géologue de formation. A travers ses œuvres transparaissent son syndrome d’Asperger, sa dyslexie et son syndrome de stress post-traumatique. Il est aussi synesthète. La synesthésie est une condition neurologique où la stimulation d’un sens (ouïe, vue, touché, etc.) amène automatiquement des réponses involontaires chez un autre sens. Par exemple, un synesthète peut « voir ou toucher les sons ».

Dans ses œuvres, l’artiste explore les sens et la sensibilité à travers le « caché » et joue avec les perceptions du normal et de l’inaccessible. Adams est aussi le fondateur du Flow Observatorium qui offre un havre respectueux de la différence aux artistes et acteurs neurodivergents venus y exposer leurs œuvres. Le Flow Observatorium se situe au Nouveau Théâtre Royal, à Portsmouth (Royaume-Uni), sa ville de résidence.

J’ai toujours voulu être un artiste mais je n’ai jamais été à l’école d’art car, lorsque j’avais 10 ans, mon instituteur avait déchiré mon dessin devant la classe en se moquant de moi parce que j’avais mal écrit mon nom », se souvient Adams.

 « Je dessine et je crée depuis toujours, mais ce qui m’a surtout fasciné, c’est de comprendre le monde naturel. Ma petite enfance, je l’ai passée en observant et en expérimentant le monde autour de moi afin de comprendre les choses et surtout les gens. A l’époque, j’ignorais que cela se faisait au travers du regard d’une personne autiste, dyslexique et dotée de synesthésie ». Une exposition rétrospective de l’artiste danois Asger Jorn, à Londres, a fait renaître en lui son désir de représenter le monde de façon alternative. A ce moment-là, Adams a 22 ans et vient de terminer ses études en géologie. Il a commencé à travailler comme illustrateur de livre peu après.

 « Le premier tournant de ma vie a été d’être diagnostiqué dyslexique en 1999. Je me suis mis à faire de la poésie en réaction à ce que l’on me disait toujours : « T’es pas capable de faire ça ». Mes poésies ont rapidement été publiées et m’ont permis de remporté des concours internationaux. Lors d’un concours, un membre du jury pris à part pour me demander de ne « jamais arrêter d’écrire ». J’ai compris que tout était ou pouvait être de l’art, y compris sa propre expérience et sa nature profonde. Cela a été une expérience libératrice, encouragée par d’autres personnes qui m’estimaient capable de réaliser davantage de choses. Cela m’a amené à réaliser que j’étais synesthète et m’a permis de me rendre compte pourquoi j’appréhende le monde différemment et pourquoi, parfois, le monde me traite différemment » raconte Adams.

Depuis 2013, bon nombre de diagnostics de l’autisme au Royaume-Uni incluent également une série de questions sur les particularités sensorielles portant, notamment, sur l’aversion pour certains sons, goûts, textures, odeurs, ou encore pour les bruits soudains. Dans le cas d’Adams, ces derniers déclenchent une forme complexe de synesthésie.

«  Le monde et les gens qui m’entouraient me semblaient souvent incompréhensibles et j’avais toujours le sentiment d’être un étranger, différent à plusieurs degrés. La façon dont cette « différence » et cette « capacité » n’ont pas été acceptées ni compris par des gens ordinaires a vite fait de moi une personne exclue, en proie à des troubles de santé mentale. Dans le monde artistique, j’ai appris à voir le monde différemment et à considérer mon syndrome d’Asperger comme un talent, un don, et non un handicap. Les gens ont tendance à ne voir l’autisme que de façon très négative ».

« Nous avons besoin que des personnes autistes bénéficient de réelles opportunités et qu’elles deviennent des modèles car on ne change pas la mentalité des gens en leur disant ce qu’ils doivent faire. On change la mentalité des gens en leur montrant l’exemple ».

Le projet Konfirm

Jon Adams a été officiellement diagnostiqué autiste à l’âge de 52 ans, dans une clinique publique dirigée par le Centre de recherche en autisme de l’Université de Cambridge, que lui avait conseillé son médecin généraliste. Le point de départ a été la rencontre avec le fondateur et directeur du centre, le professeur Simon Baron-Cohen, qui a demandé à Adams de collaborer avec lui en tant qu’artiste résident du Centre de recherche en autisme de Cambridge.

De cette rencontre est né le projet « Konfirm », financé par le Wellcome Trust. Ce projet est devenu une aventure personnelle, artistique et scientifique où Adams a passé ses conversations, ses observations, et ses expérimentations au travers de ses « filtres Asperger ». Il a utilisé la poésie, l’image et le son pour illustrer combien les personnes autistes pouvaient être doués pour systématiser, et briser les stéréotypes et les mythes sur l’autisme. Adams a utilisé les sons intrusifs d’une machine IRM qu’il a divisés en millions de fragments et assemblés en une musique cohérente. Mixée avec le son de la mer et d’un synthétiseur, cette musique a servi de bande son dans plusieurs films.

C’est lorsque ce projet a mis en lumière qu’il était autiste, qu’Adams a soudainement saisi le sens du monde et de son cheminement. « J’ai compris d’où venaient certaines de mes difficultés sociales, mais aussi ma capacité à concevoir le temps, l’espace et la connexion entre les choses. D’une certaine façon, je me suis senti une personne entière, satisfaite non parce que ma condition offrait une excuse à mes difficultés mais parce que je savais désormais qui j’étais et que j’appartenais à une « tribu » de personnes ayant le même mode de pensée. Je ne me sentais plus un étranger. »

Le Flow Observatorium

Début 2015, Adams a lancé le Flow Observatorium, un projet national financé par le Conseil des Arts d’Angleterre (Arts Council England). Le but de ce projet est de fournir une plateforme pour les artistes neurodivergents, de faire campagne pour la reconnaissance et l’obtention de soutien. Etre neurodivergent, c’est être connecté différemment au monde et en faire l’expérience différemment à travers une façon de penser autre que la « neuronorme ». C’est célébrer une neurodiversité plus large et les talents qu’elle peut apporter plutôt que de considérer l’autisme et la dyslexie comme de vulgaires déficits. Le problème, ce n’est pas d’être différent ; le problème c’est les attitudes des autres guidées par les stéréotypes. Chez « Flow », notre souci c’est d’éviter que les prochaines générations de personnes autistes ne soient confrontées aux traditionnelles incompréhensions de l’autisme et  qu’elles puissent travailler, vivre et s’amuser dans un monde dans lequel elles ont aussi leur place.