
Le 30 avril 2025, Autisme-Europe a soumis un rapport au Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées en réponse à l’appel à contribution intitulé « Care and support for children with disabilities within the family environment and it gendered dimensions » (Soins et soutien aux enfants handicapés dans le milieu familial et ses dimensions sexospécifiques). Cette contribution met en lumière les défis importants auxquels sont confrontées les familles qui s’occupent d’enfants et d’adultes autistes en Europe et souligne la charge disproportionnée et souvent négligée qui pèse sur les mères et les autres aidants informels.
Le rapport combine les données d’une enquête menée par Autisme-Europe auprès de ses membres et l’analyse des récents rapports nationaux sur les soins de longue durée soumis par les États membres de l’UE dans le cadre de la recommandation du Conseil de 2022 sur les soins de longue durée abordables et de qualité. Cette recommandation s’inscrit dans le cadre des obligations internationales en matière de droits de l’homme énoncées dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPF), la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), et offre une image complète de l’expérience vécue et des lacunes systémiques dans la fourniture de soins.
Un déséquilibre manifeste entre les sexes dans les soins
Sur les 159 personnes qui ont répondu à l’enquête en tant qu’aidant informel, 83 % étaient des femmes. Les mères ont été le plus souvent identifiées comme les principaux prestataires de soins, seule une petite minorité de familles faisant état de responsabilités partagées ou dirigées par le père. Cette disparité flagrante entre les sexes renforce les conclusions d’autres rapports européens et révèle comment des rôles sexospécifiques bien ancrés continuent de façonner les responsabilités en matière de soins, souvent au détriment de la sécurité économique et de la santé mentale des femmes.
Plus de 85 % des familles ont déclaré que la prise en charge des personnes dépendantes avait un impact négatif sur le revenu du ménage. De nombreuses mères ont été contraintes de réduire leur temps de travail, d’accepter des postes moins bien rémunérés voire de quitter complètement le marché du travail. Ces ajustements ont eu des conséquences à long terme sur les droits à la pension, l’évolution de carrière et la stabilité familiale.
Stress émotionnel et manque de soutien
Les aidants ont également fait état de graves répercussions sur leur bien-être émotionnel et physique. Plus de 70 % d’entre eux ont déclaré que la prestation de soins avait eu des répercussions sur leur santé, beaucoup décrivant des sentiments d’isolement, de stress chronique et d’épuisement. Plusieurs aidants ont fait part de réflexions personnelles illustrant la charge émotionnelle d’une prise en charge 24 heures sur 24 sans soutien adéquat ni répit. Pourtant, le soutien aux aidants en matière de santé mentale s’est avéré rare ou inaccessible.
Les familles qui s’occupent de leurs proches autistes ont décrit un sentiment persistant d’invisibilité à la fois dans la société et dans la communauté plus large des personnes handicapées, en particulier celles qui s’occupent de personnes ayant d’importants besoins de soutien. Beaucoup ont déclaré que la stigmatisation sociale continuait de renforcer l’exclusion et d’aggraver la pression à laquelle sont confrontés les aidants.
Obstacles aux services tout au long de la vie
Le rapport révèle des lacunes importantes dans l’accès aux soins et aux services de soutien. Bien qu’il existe des programmes d’intervention précoce et de thérapie, les familles soulignent systématiquement les longs délais d’attente, les obstacles bureaucratiques et les disparités régionales. Ce manque de soutien approprié, abordable et en temps voulu, ajoute au stress des aidants pendant les périodes les plus critiques du développement de leur enfant.
Ces difficultés deviennent encore plus aiguës lorsque les jeunes autistes passent à l’âge adulte. Les familles ont indiqué que les services s’arrêtent souvent ou diminuent fortement après l’âge de dix-huit ans, malgré des besoins d’aide continus et parfois croissants. Dans de nombreux cas, des modèles institutionnels dépassés dominent encore, laissant les familles assumer la totalité des soins.
Lacunes politiques et manque d’inclusion
Seule une minorité de familles a déclaré avoir reçu un soutien financier significatif. Les procédures de demande d’allocations pour les aidants ou de prestations d’invalidité ont souvent été décrites comme complexes, lourdes et incohérentes. Le rapport souligne également l’implication limitée des aidants et des personnes autistes dans les processus d’élaboration et d’évaluation des politiques. Peu de personnes interrogées ont été consultées ou invitées à donner leur avis sur les services, et les efforts de collecte de données sur les soins informels ont été jugés insuffisants et mal ventilés en fonction du sexe ou du handicap.
Recommandations du rapport
Autisme-Europe appelle à une action urgente pour relever ces défis par le biais de réformes concrètes et fondées sur les droits. Les recommandations suivantes ont été présentées au rapporteur spécial :
- Les États doivent élaborer et mettre en œuvre des services de soutien complets ainsi que des politiques qui tiennent compte des besoins des aidants informels en veillant à ce que les responsabilités des aidants ne s’exercent pas au détriment de leur sécurité financière, de leur bien-être ou de l’égalité entre les hommes et les femmes.
- Des réformes législatives sont nécessaires pour renforcer le droit au congé de soins et étendre les régimes de protection sociale. Celles-ci devraient inclure une aide financière directe, des soins de répit et des options d’emploi flexibles pour aider les aidants à rester économiquement et socialement actifs.
- Les personnes autistes et leurs familles doivent être véritablement impliquées dans la conception, le suivi et l’évaluation des politiques et des services de soins. Leur expérience vécue est une ressource essentielle qui devrait éclairer la prise de décision publique à tous les niveaux.
- Les États devraient investir dans des systèmes de soins à long terme, centrés sur la personne, qui commencent par un accès équitable aux interventions précoces et se poursuivent jusqu’à l’âge adulte, en accordant une attention particulière aux besoins des personnes ayant des besoins de grande dépendance.
- La collecte de données nationales doit être renforcée et ventilée en fonction du handicap, du sexe et de l’âge, afin de garantir que les politiques de soins sont fondées sur des données probantes et répondent aux besoins réels des familles.
- Les gouvernements doivent adopter une approche sexospécifique de la politique de soins, en reconnaissant l’impact disproportionné sur les femmes et en promouvant la redistribution des prestations de soins non rémunérées.
Nous adressons nos plus sincères remerciements à tous nos membres qui ont participé à l’enquête et ont rendu ce rapport possible. Vos contributions ont été essentielles pour garantir que les voix des aidants au sein de la communauté de l’autisme soient entendues au niveau international.
Le lien vers l’appel à contribution du rapporteur spécial est disponible ici.
Le rapport complet est disponible ici.
Autisme-Europe reste engagée dans la défense d’une Europe plus inclusive et plus solidaire, où les droits et la dignité des personnes autistes et de leurs familles sont pleinement respectés.
Photo de Sandra Seitamaa sur Unsplash.