Un nombre record de personnes avec un handicap intellectuel pourra se rendra aux urnes pour la première fois lors des élections européennes grâce aux changements mis en œuvre au cours des 12 derniers mois dans les trois plus grands pays de l’UE (la France, l’Allemagne et l’Espagne), comme le rapportent le magazine du Parlement et Inclusion Europe.
Ces trois pays ont récemment adapté leur législation pour accorder le droit de vote aux personnes sous tutelle. Ils emboitent le pas au Danemark, à l’Irlande et à la Slovaquie, qui ont étendu leur droit de vote depuis les dernières élections européennes de 2014.
Selon un rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), on estime à 250 000 le nombre de personnes handicapées concernées par cette extension du droit de vote : 100 000 en Espagne, 80 000 en Allemagne et 65 000 en France.
Ces changements constituent « une étape importante dans la reconnaissance des personnes qui ont un handicap intellectuel comme citoyens à part entière jouissant des mêmes droits que les autres citoyens », a déclaré Jyrki Pinomaa, président d’Inclusion Europe.
Qu’est-ce qui a poussé les États membres de l’UE à réviser leur législation ? Selon le rapport de la FRA, « la capacité juridique a été au centre des réformes introduites au niveau national suite à la ratification de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH) ». Ratifiée par tous les États membres de l’UE et par l’UE elle-même, la convention reconnaît la participation des personnes handicapées à la vie politique et publique dans des conditions d’égalité avec les autres citoyens, y compris le droit de vote et le droit d’être élu.
Il va de soi qu’une meilleure sensibilisation à la discrimination dont souffrent les personnes handicapées et le travail des organisations de personnes handicapées (qui ont fait pression pour étendre le droit de vote dans les pays concernés) ont été des facteurs prépondérants.
« Dans de nombreux cas, ce sont les personnes qui ont un handicap intellectuel qui ouvrent la voie au changement, » a déclaré Pinomaa. Le Danois Martin Rosenlind en est l’exemple même. Lorsqu’il a demandé à être placé sous tutelle en raison de problèmes de gestion financière, il était loin de se douter que cela affecterait son droit de vote. En 2015, lassé de la situation, il décide de poursuivre l’État danois en justice et est allé jusqu’à la Cour suprême. La perte de son procès a suscité « de la tristesse et un sentiment d’exclusion ». En décembre 2018, cependant, le gouvernement a décidé de modifier la Loi sur les tutelles afin de permettre aux personnes placées sous tutelle de conserver partiellement leur capacité juridique. C’est ainsi que Martin Rosenlind a regagné son droit de vote.
Néanmoins, selon un rapport du Comité économique et social européen, 500 000 personnes dans l’UE sont toujours privées de leur droit de vote. 5 Etats membres de l’UE refusent automatiquement le droit de vote aux personnes sous tutelle et laissent la décision à l’appréciation individuelle d’un juge ou d’un tuteur.
Autisme-Europe rejoint Inclusion Europe dans sa demande de changement et appelle tous les pays à rendre les élections accessibles, par exemple, en fournissant des informations sur les élections dans un langage facile à lire : « Les personnes qui ont un handicap intellectuel tiennent à leur droit de vote, peut-être plus que n’importe qui d’autre. On devrait donc s’assurer qu’ils puissent l’exercer. »