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Le nouveau rapport sur la désinstitutionalisation en Europe dénonce un manque de progrès depuis 2010

Le Groupe d’experts européens sur la transition des soins en institution vers les soins de proximité (GEE), dont Autisme-Europe est membre, a présenté un rapport sur la transition des soins en institution vers les services de proximité dans les 27 États membres de l’UE. Cette étude marque le dixième anniversaire de la publication d’un premier rapport important, mandaté par le commissaire européen Vladimir Špidla pour aborder les questions liées aux réformes des soins en institution et trouver des solutions pour obtenir des modèles de soins plus humains, centrés sur la personne et individualisés.

En cette période de pandémie de COVID-19 et de confinement, ce nouveau rapport arrive à un moment critique, où les aspects négatifs déterminants de l’institutionnalisation (le rassemblement d’un grand nombre de personnes dans un même bâtiment et la privation de contacts sociaux, etc.) sont de plus en plus flagrants et ne font que s’aggraver face au virus. Comme l’a récemment souligné le GEE, la manière dont cette crise affecte ceux qui ont besoin de soins quotidiens et leurs systèmes de soutien découle d’un sous-investissement structurel dans l’inclusion et le bien-être de tous, et dans la promotion de différents modèles de soutien dans la communauté. Cela se reflète également dans les conclusions du présent rapport. Si rien ne change, les conséquences de cette crise risquent d’être dévastatrices pour les plus vulnérables, avec des conséquences à long terme sur leur bien-être et leur développement.

Toujours sur mandat de la Commission européenne et en consultation avec les membres du GEE, les auteurs du présent rapport, Jan Šiška et Julie Beadle-Brown, ont cherché à savoir dans quelle mesure la transition de la prise en charge en institution vers du soutien au sein des familles et via des services de proximité au sein de la communauté a progressé au cours des dix dernières années. Ce rapport offre une vue d’ensemble des situations, solutions et tendances en matière de désinstitutionnalisation (DI) et de vie au sein de la communauté pour les personnes handicapées, les personnes ayant des problèmes de santé mentale, les sans-abri, les enfants (y compris les enfants handicapés et les enfants migrants non accompagnés ou séparés) et les personnes âgées dans les 27 pays de l’UE. Le tableau dressé en Europe met en évidence les tendances suivantes :

  • Au moins 1’438’696 personnes vivent encore dans des institutions ;
  • Le nombre de personnes vivant en institution ne semble pas avoir beaucoup changé au cours des dix dernières années ;
  • Le nombre d’enfants placés en institution a légèrement diminué. Ces derniers ont emménagé avec leur famille, ont été placés en famille
  • d’accueil, adoptés ou ont atteint la majorité et ont donc quitté les institutions pour enfants ;
  • Dans les 27 pays de l’UE, des personnes vivent dans des services résidentiels, dont une minorité seulement sont de petite taille et implantés dans la communauté. Les services résidentiels de petite échelle sont encore en minorité dans la plupart des 27 Etats membres ;
  • Dans certains pays, les individus restent plus longtemps en prison et à l’hôpital que nécessaire en raison du manque d’hébergement au sein de la communauté, tandis que dans d’autres, le placement en institution est la principale forme de prise en charge des enfants sans prise en charge parentale ;
  • Dans de nombreux pays, et en particulier ceux qui ont entamé le processus de désinstitutionalisation (ou DI) il y a quelque temps, les personnes qui ont un handicap intellectuel et des besoins complexes sont les plus susceptibles de continuer à vivre en institution.

Sur la base de ces conclusions, le rapport met en outre en évidence les principales préoccupations et les solutions potentielles qui ressortent de son analyse :

  • L’importance d’un soutien centré sur la personne et individualisé pour tous, y compris les personnes ayant des besoins complexes, est la seule façon de garantir une pleine inclusion et participation à la communauté. La manière dont les soins sont dispensés, la qualité de l’aide et leurs résultats en termes de qualité de vie sont des indicateurs clés ;
  • Bien que la désinstitutionalisation concerne également la mise en œuvre de l’article 19 de la Convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, il existe très peu d’informations disponibles sur les expériences vécues par les personnes en termes de choix et de contrôle, d’inclusion et de participation. La compréhension de l’impact des politiques sur la vie des gens devrait être un objectif clé. Des définitions claires, une terminologie commune et des recherches indépendantes sont des éléments fondamentaux pour y parvenir ;
  • Dans presque tous les pays, le manque de logements sociaux ou de logements abordables, implantés dans la communauté, constitue l’un des principaux obstacles au développement de la vie au sein de la communauté et à la lutte contre le sans-abrisme. Des politiques, des stratégies et des pratiques appropriées en matière de logement sont essentielles pour soutenir les efforts de désinstitutionalisation;
  • De nombreux établissements de soins résidentiels dits « à petite échelle » continuent d’accueillir de grands groupes de personnes, ce qui rend plutôt difficile l’attention individualisée et l’inclusion dans la communauté et, par conséquent, perpétue une culture de ségrégation, au lieu de promouvoir des alternatives dans la communauté.
  • La responsabilité pose problème. Dans de nombreux pays où la désinstitutionnalisation est l’un des domaines prioritaires de l’UE, la transition risque d’être perçue en tant que « projet financé par l’UE », de manquer de durabilité à long terme et de ne pas pouvoir se passer du financement de l’UE pour fournir des résultats. En outre, il existe un transfert de responsabilités largement répandu du niveau national au niveau local, qui ne s’accompagne pas nécessairement d’un financement, ce qui peut poser des problèmes en termes de coordination, de cohérence et de compétence des services. Le leadership national est essentiel pour apporter des changements à grande échelle, impliquant une coordination intersectorielle et à de multiples niveaux. Les stratégies nationales en matière de désinstitutionalisation doivent comprendre un financement adéquat, une mise en œuvre concrète et des mécanismes de suivi.

Étant donné que le semestre européen, y compris les recommandations spécifiques par pays (RSE), fournit le cadre pour la coordination continue des politiques économiques, sociales et de l’emploi dans l’Union, le GEE se réjouit de constater que cette année, la protection sociale et le logement social sont considérés comme prioritaires dans plusieurs RSE. Le GEE regrette toutefois qu’aucune des RSE de 2020 ne traite de la nécessité de la désinstitutionalisation. La population la plus vulnérable mérite une réponse adéquate de relance post COVID-19 qui inclurait le développement de services de prévention et de proximité.

Le GEE se félicite de l’intention de la Commission de transformer cette crise en opportunité en investissant dans un Plan de Relance et en actualisant le cadre financier pluriannuel. Ces investissements doivent mettre au centre les enfants et les adultes ayant besoin de soins et de soutien, leurs familles, les aidants informels et les systèmes de soins et de soutien implantés dans la communauté et centrés sur la personne et le soutien aux familles.

Le GEE et ses membres s’engagent à poursuivre leurs efforts de sensibilisation et à soutenir l’UE, les États membres et d’autres acteurs clés dans leurs efforts de désinstitutionalisation. Il les appelle vivement à faire en sorte que les droits des personnes ayant besoin de soins et de soutien ne soient pas davantage compromis par les conséquences de la pandémie de COVID-19.

Rapport sur la transition des soins en institutions vers des services de proximité dans les 27 Etats membres de l’UE, 2020, Jan Šiška and Julie Beadle-Brown (en anglais)

En savoir plus sur le GEE : https://deinstitutionalisation.com/