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La stérilisation forcée des personnes handicapées : une violation généralisée des droits humains en Europe

En matière de droits reproductifs et sexuels, les personnes handicapées (en particulier les femmes et les jeunes filles) sont toujours victimes de violations flagrantes de leur intégrité corporelle. La stérilisation forcée et l’utilisation forcée de la contraception en font partie et sont encore largement répandues en Europe. Donner aux personnes handicapées les moyens de prendre leurs propres décisions en connaissance de cause serait le meilleur moyen de lutter contre ces pratiques néfastes, comme le demande le Forum européen des personnes handicapées depuis un certain temps déjà.

L’utilisation forcée de la contraception et la stérilisation forcée des personnes handicapées restent des violations urgentes des droits humains auxquelles l’Europe doit s’attaquer. La stérilisation peut être définie comme un processus aboutissant à une incapacité permanente de reproduction sexuelle. Ce processus est forcé lorsqu’une personne subit une stérilisation à son insu ou sans son consentement, ou lorsqu’elle est contrainte d’accepter la stérilisation par sa famille, des professionnels de la santé, des politiques ou la législation – par exemple pour accéder à des services (par exemple, un établissement résidentiel) ou à des changements dans les documents juridiques (par exemple, la modification du genre dans les documents juridiques pour les personnes transgenres).

Le Forum européen des personnes handicapées (FEPH) a lancé une campagne auprès des décideurs européens (c’est-à-dire le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne) pour mettre fin à ces abus généralisés dans tous les États membres de l’Union européenne – voir comment soutenir leur appel ici. Les efforts du FEPH ont récemment attiré l’attention de médias européens tels qu’Euronews, qui a mis en lumière une longue histoire de ces pratiques néfastes lorsqu’elles sont appliquées sans consentement éclairé, montrant comment elles sont encore répandues dans différents pays européens.

Certains pays ont tenté de se racheter au cours des dernières décennies. Après avoir interdit la stérilisation forcée en 1975 (cette pratique existait depuis 1934 dans le cadre d’un plan d’eugénisme à l’échelle de l’État), la Suède a mis en place un organisme gouvernemental chargé d’indemniser les personnes stérilisées de force. En décembre 2020, l’Espagne a adopté une loi criminalisant la stérilisation forcée – jusqu’alors, la stérilisation forcée de personnes “incapables de donner leur consentement » était autorisée.

En août 2022, neuf États membres de l’UE (Belgique, France, Luxembourg, Malte, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Espagne et Suède) criminalisent explicitement la stérilisation forcée en tant qu’infraction distincte, soit en tant que crime de guerre, crime contre l’humanité ou forme de violence fondée sur le genre, chacun entraînant des peines différentes. Cinq États membres de l’UE criminalisent aussi explicitement la stérilisation des mineurs : L’Autriche, l’Estonie, la France, l’Allemagne et Malte.

Mais il ne s’agit là que de quelques coups de pinceau dans un océan de discrimination à l’encontre des personnes handicapées. La majorité des États membres de l’UE ne disposent toujours pas d’une disposition spécifique interdisant la stérilisation forcée dans leur droit pénal – et peu de choses ont été faites jusqu’à présent pour sensibiliser le public à cette question. Voici quelques données récentes sur la situation dans l’Union européenne (UE), telles que rapportées par le FEPH en septembre 2022 :

  • Au moins 13 États membres de l’UE autorisent encore certaines formes de stérilisation forcée dans leur législation, à savoir : la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la Tchécoslovaquie, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, le Portugal et la Slovaquie. Ils autorisent un tuteur, un représentant légal, un administrateur ou un médecin à consentir à la stérilisation d’une personne handicapée en son nom.
  • 3 États membres de l’UE (Hongrie, Portugal et Tchécoslovaquie) autorisent la stérilisation forcée des mineurs.
  • Dans au moins 3 États membres de l’UE (Belgique, France et Hongrie), le recours à la contraception ou à la stérilisation peut être une condition d’admission dans les institutions résidentielles. Cela signifie que les parents ont été contraints de consentir à la stérilisation de leurs filles en l’absence d’autres solutions. Il n’est pas certain que ce soit toujours le cas en Belgique et en France, puisque ces pays ont finalement modifié leur législation.

Que dit le droit international à ce sujet ?

Comme l’explique le FEPH, « la stérilisation forcée est une violation flagrante des droits fondamentaux. En outre, il s’agit d’une pratique préjudiciable et d’un exemple de violence fondée sur le genre qui est encore infligée principalement aux personnes handicapées, aux Roms et aux personnes intersexuées dans toute l’Europe ». Les traités internationaux relatifs aux droits humains interdisent la stérilisation forcée, car elle viole les droits humains, tels que les droits à la dignité, à l’intégrité physique, à la vie privée et au consentement libre et éclairé. Les organismes de surveillance ont recommandé l’interdiction de la stérilisation forcée dans plusieurs pays, y compris dans les États membres de l’UE.

Elle est interdite par de nombreux textes internationaux, notamment la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite Convention d’Istanbul, traduite en version facile à lire en anglais par Autisme-Europe) et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) comprend de nombreuses dispositions relatives à la stérilisation forcée. Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies a appelé à plusieurs reprises à l’interdiction de la stérilisation forcée, demandant à au moins 11 pays de l’UE d’adopter des mesures pour interdire et combattre cette violation des droits humains.

Pourquoi la stérilisation forcée vise-t-elle les personnes handicapées ?

Cette pratique intrusive et irréversible est légitimée pour les personnes handicapées par différentes raisons discriminatoires. Comme le souligne le FEPH, ces raisons comprennent : le soi-disant intérêt supérieur de la personne ; des raisons médicales ; la protection de la personne contre les abus sexuels ; la facilitation de la contraception et l’évitement du fardeau que certaines méthodes de contraception peuvent entraîner.

La stérilisation forcée est donc présentée comme un moyen de protéger les personnes vulnérables. Mais ces régimes violent les droits fondamentaux des personnes handicapées, en sapant leur autonomie et leur droit à l’autodétermination. Sous ce souci de protection se cache la croyance paternaliste persistante qu’une personne handicapée n’est vraisemblablement pas capable de s’occuper d’un enfant – d’où la volonté de la société d’empêcher les personnes handicapées de se reproduire.

Ces mêmes croyances ont entraîné des violations des droits parentaux des femmes handicapées, comme dans l’affaire Rachel en France en 2015, où une mère autiste a perdu la garde de ses enfants autistes en raison de la « vision préhistorique de l’autisme en France » (tel que rapporté dans cet article du Guardian). Les mêmes arguments ont été utilisés pour les régimes de capacité juridique substituée.

Comment créer une culture du consentement pour les personnes handicapées ?

La capacité juridique et la stérilisation forcée sont intrinsèquement liées, puisque la stérilisation forcée concerne particulièrement les personnes qui ont un handicap intellectuel /ou psychosocial, dont la capacité juridique est limitée. Les décisions relatives à leurs droits reproductifs sont laissées à leurs représentants légaux, à leurs tuteurs ou aux tribunaux. Le FEPH a constaté que de nombreux États membres de l’UE autorisant la stérilisation forcée font également partie de ceux qui autorisent la prise de décision substitutive.

La stérilisation des personnes handicapées peut donc être considérée comme un moyen pour la société d’exercer un contrôle sur elles, car les personnes handicapées ont encore du mal à recevoir le soutien et l’éducation dont elles ont besoin pour prendre leur vie en main.

Il est vrai que les personnes handicapées (en particulier les enfants et les jeunes) peuvent avoir un risque accru de contracter des infections sexuellement transmissibles, de connaître une grossesse non planifiée ou d’être victimes de violences sexuelles. Toutefois, la solution à ce problème ne peut pas être la violation des droits humains, comme la stérilisation ou la contraception forcées. L’éducation sexuelle peut au contraire atténuer ces risques en responsabilisant les personnes handicapées et en renforçant leur capacité à demander de l’aide, comme le soulignent de nombreuses études récentes.