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Une conférence de haut niveau sur l’autisme appelle à une nouvelle stratégie et dévoile des résultats de recherche

Une conférence de haut niveau sur l’autisme, qui s’est tenue au Parlement européen le 23 avril 2025, a débouché sur l’engagement de plusieurs eurodéputés en faveur d’une stratégie européenne sur l’autisme. Elle a également permis de dévoiler les résultats du plus grand projet de recherche sur l’autisme au monde.

La conférence, intitulée « Vers une approche commune de l’autisme en Europe », a été organisée par Autisme-Europe en partenariat avec le projet AIMS-2-TRIALS, sous les auspices de l’intergroupe « Handicap » du Parlement européen.

AIMS-2-TRIALS compte 48 partenaires dans 14 pays, issus du monde universitaire, de l’industrie et associatif ainsi que de la communauté autiste. Entre autres réalisations, le projet a créé la plus grande plateforme dédiée aux études longitudinales sur l’autisme, de l’enfance à l’âge adulte.

L’objectif de la conférence était d’engager un dialogue entre les chercheurs, les représentants de la communauté de l’autisme et les décideurs politiques sur les prochaines étapes à suivre en matière d’investissement dans la recherche, de soutien et d’infrastructure dans le domaine de l’autisme. Cela va dépendre en partie sur l’engagement de la Commission européenne à œuvrer en faveur d’une approche commune de l’autisme au niveau de l’UE, comme l’exprime une lettre de mission adressée par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au commissaire chargé de la santé Olivér Várhely, en septembre 2024.

Le commissaire est apparu dans une allocution vidéo pour souhaiter la bienvenue aux participants. Il a approuvé les objectifs de la conférence. « L’autisme nécessite des approches globales et durables », a-t-il déclaré dans la vidéo. « Nous sommes déterminés à améliorer la vie des personnes autistes et de leurs familles dans l’Union européenne. Tout le monde devrait être inclus, quel que soit son lieu de résidence, son état de santé ou son handicap ».

Une stratégie européenne de l’autisme

Autisme-Europe demande depuis longtemps une approche stratégique et holistique au niveau européen, développée en coopération avec la communauté de l’autisme, pour réaliser les droits des personnes autistes.

Les trois membres du Parlement européen assis à la tribune ont honoré cette demande. L’eurodéputée Rosa Estaras (PPE), membre du bureau espagnol de l’intergroupe sur le handicap, a conclu son discours d’ouverture par cette déclaration : « Dans les prochains jours, je proposerai la création d’une stratégie européenne sur l’autisme pour garantir que les personnes autistes aient accès aux mêmes opportunités et aux mêmes droits dans tous les Etats membres, qu’elles soient incluses et qu’elles puissent participer pleinement à la société ».

L’eurodéputé Alex Agius Saliba (S&D), coprésident maltais de l’intergroupe sur le handicap, a appelé à « établir une stratégie européenne contraignante sur l’autisme, alignée sur la CDPH ». Ces propos font référence au Comité des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées. Le Comité CDPH a émis des recommandations au début de cette année, appelant notamment l’UE à adopter des actions concrètes pour répondre aux besoins des personnes autistes dans la deuxième phase de la stratégie européenne en faveur des droits des personnes handicapées.

L’eurodéputée Katrin Langensiepen (Verts/ALE), coprésidente allemande de l’intergroupe sur le handicap, a affirmé qu’elle et ses collègues feraient pression pour que de telles actions soient entreprises. « Nous travaillons sur la stratégie en faveur des personnes handicapées », a déclaré Mme Langensiepen, en se référant à ses collègues présents sur le podium. « Nous ferons pression sur la Commission [européenne] pour obtenir quelque chose de concret et pas seulement des lignes directrices ».

De nouveaux résultats de recherche

Harald Neerland, président d’Autisme-Europe, a évoqué les réalisations du projet AIMS-2-TRIALS et mis l’accent sur l’amélioration de la participation de la communauté de l’autisme à la recherche. Ce projet ouvre la voie à un « partenariat éthique et réciproque » systématique, tandis que les priorités des personnes autistes devraient façonner l’agenda de la recherche, a-t-il déclaré.

Eva Loth, chercheuse en neurosciences cognitives au King’s College de Londres et coordinatrice adjointe du projet AIMS-2-TRIALS, a rappelé à l’auditoire que l’autisme était extrêmement variable, en partie parce que de nombreuses personnes autistes souffraient de troubles physiques ou mentaux concomitants. Les systèmes de santé, sociaux et éducatifs doivent être en mesure de prendre en charge ce large éventail de troubles. C’est l’idée maîtresse d’AIMS-2-TRIALS : mieux adapter les traitements et/ou le soutien aux besoins et aux profils individuels.

Le projet AIMS-2-TRIALS a créé la plus grande plateforme dédiée aux études longitudinales de l’autisme, de l’enfance à l’âge adulte, a déclaré Prof Loth. Chez chaque volontaire, les chercheurs ont étudié les caractéristiques cliniques, le profil cognitif, l’anatomie et le fonctionnement du cerveau, les marqueurs immunitaires, les antécédents psychiatriques familiaux, les facteurs environnementaux et la génomique, a-t-elle précisé.

Voici quelques-unes de leurs conclusions :

  • Il existe un « chevauchement considérable » entre l’autisme et d’autres troubles neurodéveloppementaux, tant au niveau clinique que biologique. Cela signifie que les personnes devraient être évaluées pour plusieurs troubles à la fois, plutôt que de ne tester que l’autisme, par exemple.
  • Il n’y a pas qu’une seule partie du cerveau, qu’un seul trait cognitif ou qu’un seul marqueur génétique qui caractérise toutes les personnes autistes. Cela signifie que les chercheurs doivent s’éloigner de la recherche de déficits à des endroits spécifiques ou dans des aspects spécifiques chez une personne, a déclaré Prof Loth, et passer à une approche plus holistique qui suit la façon dont le cerveau, le corps et l’environnement social interagissent.

Prof Loth a remercié l’Union européenne d’avoir financé le projet à hauteur de 60 millions d’euros au cours des 12 dernières années, ce qui est sans précédent dans l’histoire de la recherche sur l’autisme en Europe. Toutefois, a-t-elle souligné, « la Commission a dépensé environ 900 millions d’euros pour la recherche sur les maladies cardiaques et 4 milliards d’euros pour la recherche sur le cancer au cours de la même période. Les fonds européens consacrés à la recherche sur l’autisme ne devraient pas constituer un investissement unique. Nous devons maintenant nous appuyer sur l’infrastructure et l’expertise européennes que nous avons créées ».

Le Dr Siti Ikhsan, chercheur au Centre de recherche sur l’autisme de l’université de Cambridge et Pierre Violland, pair praticien et représentant de l’autisme, ont présenté les résultats de l’enquête « ACCESS-EU » sur l’accessibilité des services, à laquelle ont répondu plus de 2 000 participants autistes de l’UE et du Royaume-Uni. L’une des conclusions est que la plupart des participants ont attendu jusqu’à six mois pour obtenir la plupart des services, y compris les services de thérapie, éducatifs et ceux liés au logement ; moins d’un mois pour les services médicaux d’urgence et les services de santé mentale d’urgence, et plus de 12 mois pour les services de diagnostic de l’autisme. Ces résultats, ainsi que d’autres, montrent qu’il est urgent de modifier les politiques afin d’améliorer l’accès à ces services dans toute l’Europe, a déclaré Dr Ikhsan.

Les deux chercheurs ont également partagé les résultats de l’étude « 10 points pour le changement ». Les domaines dans lesquels les personnes autistes et les parents/aidants de personnes autistes souhaitent le plus de changements sont l’éducation, l’emploi, la sensibilisation du public et la compréhension de l’autisme, le financement public des services spécifiques à l’autisme et les soins de santé mentale.

Le professeur Celso Arango, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital général universitaire Gregorio Marañón de Madrid, en Espagne, et M. Violland ont présenté les résultats d’une étude sur l’accès aux services de diagnostic de l’autisme et de l’épilepsie. Les résultats varient considérablement d’un État membre à l’autre. Les personnes autistes d’Espagne et du Royaume-Uni ont dû attendre beaucoup plus longtemps qu’en Italie, par exemple, pour bénéficier de ces services. D’autres facteurs, tels que la participation d’un pédiatre ou d’un neurologue au dépistage de l’autisme chez l’enfant, varient également d’un pays à l’autre. En Italie, 100 % des enfants autistes atteints d’épilepsie ont reçu des médicaments antiépileptiques, contre seulement un tiers au Royaume-Uni.

Violland a déclaré qu’il était urgent de sensibiliser davantage les médecins et les familles à la cooccurrence de l’épilepsie et de l’autisme. Il a également insisté sur la nécessité d’un accès plus équitable aux services de diagnostic et autres pour les familles à faible revenu. Les inégalités existantes peuvent entraîner un retard dans le diagnostic de l’autisme chez les enfants, ce qui peut avoir des effets négatifs.

La professeur Emily Jones, de l’université de Londres, a souligné l’importance de la détection précoce de l’autisme et a expliqué que les recherches menées dans le cadre du projet indiquent que les différences sensorielles et de sommeil dans la petite enfance sont des indicateurs précoces. Elle a également souligné l’urgence de mener davantage de recherches sur l’aide aux personnes autistes ayant de grands besoins d’assistance, une population souvent sous-représentée dans la recherche et dont le taux de mortalité est plus élevé que la moyenne.

Retours d’information d’activistes

Ce dernier point a été abordé par les membres du public au cours d’une séance de questions-réponses. Salima Slimani, une défenseuse belge des droits des personnes autistes et de leurs familles, a plaidé ardemment en faveur d’une plus grande prise en compte des familles de personnes autistes ayant besoin d’un soutien important dans l’élaboration des politiques. Elle a évoqué les niveaux élevés de discrimination qu’un membre de sa famille a subis. Sa famille n’a pas bénéficié d’une liberté de circulation totale en raison du manque de services en Europe et parce que le diagnostic d’autisme n’était pas reconnu dans tous les États membres, a-t-elle déclaré. Elle a appelé les décideurs politiques à trouver un « terrain d’entente » en Europe.

Adam Harris, directeur général d’AsIAm, la plus grande organisation de l’autisme en Irlande, a rappelé aux décideurs politiques l’importance de la mise en œuvre des politiques et des stratégies existantes et de développer une stratégies spécifique, fondée sur les droits. Les personnes autistes ont besoin d’une stratégie claire et dédiée à l’autisme, a-t-il déclaré, et non d’une stratégie mélangée à d’autres politiques et d’autres sujets de santé.

Inmaculada Placencia Porrero, experte senior en matière de handicap et d’inclusion à la direction générale de la justice et des consommateurs de la Commission européenne, a clôturé la conférence en résumant le manque de cohérence dans l’accès aux services à travers l’Europe. Elle a également exhorté les membres de l’auditoire à contacter leurs parlementaires nationaux et à répondre aux consultations publiques de la Commission.