Le 14e congrès international d’Autisme-Europe (AE) a réuni près de 2 000 délégués à Dublin en septembre dernier. Des personnes autistes, des familles, des chercheurs, des activistes et des praticiens du monde entier se sont réunis à la Royal Dublin Society pour apprendre les uns des autres et échanger leurs expériences. Les intervenants ont abordé les fléaux que sont la désinformation et l’intolérance, mais ont également célébré les réussites et partagé des pratiques très utiles à la communauté.
L’association irlandaise AsIAm, membre d’Autisme-Europe, a coorganisé le congrès avec AE. À l’issue de ces trois jours, Adam Harris, fondateur et directeur d’AsIAm, a déclaré que « l’énergie et l’espoir qui remplissaient ces salles » étaient remarquables. Il a également ajouté que ce congrès était plus qu’une simple réunion d’experts. « C’est un symbole de progrès, d’inclusion et d’espoir », a-t-il déclaré.
Nous avons discuté avec Adam de sa collaboration avec AE dans le cadre de l’organisation et de l’accueil d’un tel événement, des avancées importantes pour la communauté autiste en Irlande et au-delà, et des enseignements à tirer du congrès. (À noter que tout le monde pourra désormais bénéficier des connaissances partagées lors de l’événement, car les enregistrements de nombreuses présentations et ateliers seront bientôt disponibles en ligne.)
Les commentaires suivants ont été légèrement modifiés uniquement pour des raisons de concision.
Beaucoup d’efforts sont nécessaires pour co-organiser un événement international d’une telle ampleur. Quels bénéfices en tirent AsIAm et la communauté autiste irlandaise ?
Je pense que l’un des principaux avantages est que cela met en lumière ce que nous essayons de construire ici en Irlande : une société dans laquelle chaque personne autiste est acceptée telle qu’elle est.
Le congrès nous a fourni un moyen très puissant pour dialoguer avec le gouvernement, les parlementaires, les entreprises qui nous soutiennent, la société civile et le grand public irlandais autour de nos priorités et de notre vision.
Nous sommes également très fiers d’être la première organisation dirigée par des personnes autistes à accueillir le congrès. Je pense que cela offre une occasion importante de poursuivre la discussion sur les priorités de recherche clés pour la communauté autiste et de montrer qu’il est possible de rendre un tel événement accessible.
Il convient également de souligner que nous nous retrouvons à une époque où la désinformation sur l’autisme connaît une progression alarmante, et où certains gouvernements, partout dans le monde, durcissent leur position vis-à-vis des personnes autistes, allant parfois jusqu’à propager eux-mêmes des messages dangereux. J’espère donc que le Congrès international d’Autisme-Europe sera bénéfique pour AsIAm, mais également pour toutes les organisations membres, en leur offrant une plateforme et un espace dans lesquels nous pourrons contrer ce message.
Les congrès d’Autisme-Europe ont lieu tous les trois ans. Quels développements significatifs pour les personnes autistes en Irlande, et plus généralement en Europe, avez-vous observés depuis la dernière édition (2022, Cracovie) ?
Je pense que la situation est très contrastée. Ici, en Irlande, nous avons constaté des évolutions positives. Depuis le dernier congrès, un comité mixte de l’Oireachtas [le parlement irlandais] sur l’autisme a été créé pour la première fois. Ce comité a publié un rapport majeur sur la politique en matière d’autisme en Irlande. Cela a conduit à la publication de la première stratégie nationale d’innovation pour l’autisme. C’est la première fois qu’une politique gouvernementale globale est mise en place à ce sujet en Irlande.
Pourtant, malgré ces progrès, les personnes autistes en Irlande continuent de se heurter à d’importants obstacles pour accéder aux soutiens les plus fondamentaux dans leur vie quotidienne, et c’est aussi le cas dans toute l’Europe. Ainsi, même si nous observons une certaine dynamique et de nouvelles façons de penser, je crois qu’il reste encore d’énormes défis à relever en matière de mise en œuvre et d’application concrète.
Et comme ce congrès a pour thème la qualité de vie, je pense que les systèmes, et en particulier les systèmes publics efficaces, constituent un sujet que nous devrons explorer au cours de ces trois jours, et que nous explorerons d’ailleurs à travers le programme.
À l’échelle internationale, la situation est beaucoup plus difficile. Les personnes autistes en Ukraine continuent de vivre des expériences dramatiques en raison de l’invasion illégale de leur pays.
Et, comme je l’ai déjà mentionné, nous avons constaté une recrudescence de désinformation très négative autour de l’autisme depuis le dernier congrès. Jusqu’à il y a environ un an, nous parlions de la manière dont nous pouvions aller de l’avant — comment repousser de nouvelles limites pour la communauté. Aujourd’hui, il semble que nous soyons dans une situation où nous devons défendre les progrès déjà réalisés. Cela montre bien que le progrès n’est jamais acquis.
Quels changements espérez-vous voir mis en place d’ici le prochain congrès (2028, Bilbao, Espagne) ?
Je pense que le Parlement européen a envoyé des signaux positifs en ce début de nouveau mandat. Nous voyons apparaître des propositions en faveur d’une stratégie européenne sur l’autisme. L’autisme figure parmi les priorités de la présidente von der Leyen pour son mandat et dans ses messages de mission adressés à divers commissaires. Tout cela me semble très positif et j’espère qu’à l’approche de Bilbao, alors que le mandat du Parlement européen touchera à sa fin, nous verrons enfin les bénéfices concrets de certains de ces changements.
L’Union européenne a fait l’objet d’un examen récent par le Comité des Nations Unies sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Le rapport émis par ce comité contient des recommandations essentielles sur l’autisme, et j’espère qu’à l’approche de notre rencontre à Bilbao, l’Union Européenne aura commencé à les mettre en œuvre.
L’une des initiatives d’AsIAm consiste à faire de Dublin une « ville amie de l’autisme ». Qu’est-ce que cela signifie exactement ?
Depuis notre création, il y a onze ans, nous menons des programmes dans les écoles, sur les lieux de travail et dans les entreprises dans le but de rendre l’environnement et l’expérience plus accessibles aux personnes autistes. En 2018, on nous a lancé le défi de développer un cadre permettant à une communauté entière de devenir accessible et nous avons mis ce cadre en œuvre la même année à Clonakilty, une petite ville du West Cork. Le projet a rencontré un véritable succès : il a notamment été présenté à la télévision française et au Forum économique mondial.
La mise en œuvre de ce cadre repose sur un processus de co-création entre les personnes autistes locales et l’ensemble de la communauté. Elle consiste également à recruter des « ambassadeurs de l’autisme », c’est-à-dire des organisations qui suivent une formation, adaptent leur fonctionnement pour devenir plus accessibles et participent, en parallèle, à l’élaboration d’un plan de développement de la ville sur trois ans, afin d’assurer un processus durable d’amélioration. Depuis la création de ce cadre, quarante communautés à travers l’Irlande se sont engagées dans cette démarche. Cinq ont désormais atteint le niveau requis, dont la ville de Waterford, qui est devenue la première ville d’Irlande à être reconnue « amie de l’autisme ».
Il reste maintenant à relever le défi de Dublin, notre capitale de plus d’un million d’habitants. Il est très motivant de constater que la ville s’est engagée à appliquer ce cadre. Le Conseil municipal de Dublin, qui est également l’un des sponsors du congrès, collabore avec nous sur ce projet par l’intermédiaire du bureau du maire. Nous avons par ailleurs une personne employée à plein temps dont la mission est exclusivement de soutenir les communautés de Dublin, tant dans les banlieues que dans le centre-ville, pour la mise en œuvre de ce cadre, que nous espérons concrétiser au cours des deux prochaines années.
Selon vous, quels changements les organisations devraient-elles encourager dans leurs communautés pour mieux mettre en lumière les besoins des personnes autistes ?
Nous espérons que, durant ces trois jours, les délégués [d’autres pays] auront l’occasion de rencontrer notre équipe, de découvrir nos projets et d’en observer certains directement dans la ville de Dublin. Nous attachons une très grande importance à la collaboration. Par exemple, nos services pour la communauté autiste ont été grandement influencés par l’excellent travail de Scottish Autism, un autre membre d’Autisme-Europe. Je crois donc que le partage d’idées est essentiel. Aucun pays n’a encore trouvé de solution parfaite, et aucun n’excelle dans tous les domaines.
Ce dont je suis particulièrement fier, c’est qu’AsIAm est la principale association irlandaise pour l’autisme, dirigée par des personnes autistes et soutenue par une participation très active des familles et proches. Nous avons ainsi développé un modèle de partenariat efficace, et l’ensemble de nos actions repose sur la collaboration, tant au sein de la communauté autiste qu’avec la société dans son ensemble, les leaders d’opinion et les différents secteurs concernés