Le 25 septembre 2018, la conférence d’Autisme-Europe « Une stratégie de l’autisme pour ne laisser personne de côté » a souligné les recommandations clés formulées par le projet ASDEU suite à ses travaux de recherche sur la prévalence de l’autisme, le dépistage précoce, le vieillissement et les coûts sociaux liés à l’autisme dans différents pays et régions d’Europe. Le gouvernement maltais a partagé son expérience sur le lancement d’une stratégie de l’autisme au niveau national et a exprimé son soutien vis-à-vis d’une approche européenne.
La conférence, organisée par Autisme-Europe, a été accueillie par l’eurodéputé (MPE) Nicola Caputo au Parlement européen de Bruxelles. L’événement a rassemblé une quarantaine de personnes dont faisaient partie des décideurs politiques européens et nationaux, des personnes autistes, des parents, des professionnels, des ONG et d’autres parties prenantes, venus s’informer sur les résultats de recherche du programme ASDEU et sur leurs implications en matière de politiques et de pratique.
MPE Nicola Caputo : « Une stratégie européenne favoriserait une approche cohérente et coordonnée qui permettrait de s’attaquer aux défis auxquels sont confrontées les personnes autistes et leurs familles dans divers domaines politiques. En fonction de ses domaines de compétences, l’UE pourrait, par exemple, soutenir des lignes guides en matière de diagnostic et d’intervention, et encourager l’échange de bonnes pratiques. »
MPE Alfred Sant : « Les conclusions d’ASDEU, un projet de trois ans, financé par l’UE, démontrent que les besoins en soutien augmentent constamment (…) A ce stade, il est très positif de constater que les gouvernements et les secteurs de l’éducation et des soins de santé se sont tous éloignés du concept d’exclusion en faveur de celui d’une société holistique basée sur l’inclusion (…). Les résultats du projet ASDEU, parmi d’autres, soulignent le besoin de financement public pour la mise en place d’une stratégie de l’autisme. Unifier nos expériences et nos ressources potentielles sont des facteurs clés si nous voulons atteindre nos objectifs. »
Secrétaire parlementaire maltais pour le handicap et le vieillissement actif Anthony Agius Decelis : « Une société plus inclusive est une société qui se concentre davantage sur les prestations de services, le soutien et l’intégration plutôt que sur le fait de protéger un groupe de citoyens du regard des autres (…). La véritable inclusion demande des efforts. Elle ne s’obtient pas seulement par la sensibilisation. Et c’est là que je souhaite faire le lien entre l’expérience de Malte, les efforts qu’ils ont accomplis jusqu’ici et l’objectif d’une stratégie européenne de l’autisme. A l’instar de Malte, l’Europe doit écouter et agir. »
Pietro Cirrincione, Vice-président d’Autisme-Europe : « Ce dont nous avons besoin, c’est l’inclusion au sein de la société, dans tous les aspects de la vie (éducation, emploi, loisirs, sport, santé, soutien à la vie dans la communauté, etc.), en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH). »
Recommandations basées sur les résultats du programme ASDEU
Professeur Manuel Posada de l’Institut de recherche sur les maladies rares de l’Institut Carlos III en Espagne a présenté le projet pilote ASDEU qui a mené la première et la plus vaste étude sur l’autisme en Europe et étudié un éventail de facteurs clés relatifs à la qualité de vie des personnes autistes (depuis l’accès à l’intervention précoce jusqu’à la disponibilité des services de soutien pour les personnes autistes âgées). Le travail a été mené par un consortium de 20 groupes dont les membres proviennent de quatorze pays. Il a mis en exergue les principaux résultats et défis liés aux études sur la prévalence de l’autisme menées dans 23 zones géographiques de douze pays et sur les études connexes sur les coûts sociaux et économiques.
Sur la base de ces résultats, ASDEU recommande d’améliorer le recensement des personnes autistes en Europe ainsi que de créer et définir des unités géographiques pour mieux surveiller la prévalence. ASDEU conseille de poursuivre les recherches sur l’efficacité des programmes de dépistage implantés en Europe. Enfin, Posada a souligné le besoin crucial de services de soutien de qualité pour les personnes autistes, adaptés en fonction de leur âge et de leurs besoins.
Télécharger les résultats d’ASDEU sur la prévalence et les coûts (en anglais)
Professeur Ricardo Canal de l’Université de Salamanca a ensuite présenté l’évaluation de la situation en Europe en matière de dépistage précoce de l’autisme et d’intervention précoce. La recherche a été menée par le biais d’une revue systématique, de groupes de discussion et d’enquêtes menées auprès des familles et professionnels. En ce qui concerne le dépistage précoce, la recherche a souligné que 66.4% de familles ont dû attendre un délai de plus de 6 mois pour obtenir un diagnostic. Les familles ont fait état de nombreux facteurs les empêchant d’avoir accès à une intervention précoce (manque de ressources, disparités géographiques pour les prestations de services, manque de professionnels formés à l’autisme).
Les recommandations qui suivent s’articulent autour de trois volets : – soutenir de nouvelles initiatives visant à promouvoir le dépistage précoce (en impliquant les autorités de santé, les cliniciens et les familles dans les programmes de dépistage au sein de la population, utiliser des procédures qui intègrent les signes sociaux et non-sociaux et, potentiellement, les biomarqueurs) ; – améliorer la coordination des procédures de diagnostic en vue de réduire le délai et d’offrir un meilleur soutien aux familles et – améliorer l’accès à l’intervention précoce qui doit être disponible dès que possible pour chaque enfant, améliorer la formation des professionnels et soutenir la participation active des familles.
Professeur Diana Schendel de l’Université d’Aarhus (Danemark) a présenté les principales recommandations d’ASDEU en ce qui concerne la création d’un cadre pour une meilleure prise en charge des adultes et des personnes âgées autistes. La recherche d’informations sur les politiques et l’organisation des services pour adultes autistes dans les pays impliqués dans le projet a révélé qu’un facteur essentiel à la qualité des soins était l’équilibre entre la participation du secteur public et du secteur privé dans la prestation de services. Cet équilibre varie considérablement, à la fois entre les pays impliqués dans le projet et en leur sein, même si les organisations privées semblent détenir le plus d’expertise et, dans de nombreux cas, sont les principaux prestataires de services pour adultes autistes. L’enquête en ligne a été conçue pour obtenir de l’information sur la disponibilité des services pour adultes autistes et recueillir les témoignages concrets des utilisateurs et prestataires de service.
L’enquête a révélé un manque de cohérence entre les recommandations existantes et les expériences réelles, en particulier en ce qui concerne les services de formation des professionnels en autisme, les services de base fournis aux clients, le soutien post-diagnostique et la transition des services pour adolescents vers des services pour adultes. ASDEU recommande donc de : – soutenir les activités qui visent à réduire le fossé entre les recommandations sur la mise en oeuvre des services et les pratiques sur le terrain ; – promouvoir les activités qui visent harmoniser les capacités et savoirs et les insuffisances au sein des services pour adultes (surtout en matière de soins de santé, de gestion des transition, notamment entre les services adolescents et adultes) et de – promouvoir des programmes de formation en autisme pour le personnel des services pour adultes, y compris dans le domaine des soins de santé.
Pourquoi une stratégie de l’autisme ?
Dans le cadre du projet ASDEU, Autisme-Europe était responsable du programme de travail sur les politiques de l’autisme dans l’UE avec, pour objectif, celui d’élaborer des recommandations pour un programme de santé publique pour l’autisme. AE a également recensé les politiques existantes relatives à l’autisme en Europe et mené une vaste consultation. La CNUDPH a servi de référence pour analyser dans quelle mesure les Etats membres répondaient aux besoins des personnes autistes en Europe.
La directrice d’Autisme-Europe, Aurélie Baranger, a insisté sur le fait qu’un programme de santé publique devait être holistique, étant donné que la promotion de la santé et du bien-être des personnes autistes de tous âges nécessite une approche intersectorielle, y compris dans des domaines de politiques extérieurs à la santé.
Une stratégie européenne de l’autisme contribuerait à relever les défis communs au sein de l’Union européenne et à promouvoir une meilleure utilisation des ressources, par exemple, en évitant la duplication dans le domaine de la recherche. Elle permettrait aussi aux personnes autistes et à leurs familles de bénéficier de la libre circulation au sein de l’UE. Une telle approche serait conforme aux objectifs de l’UE et contribuerait à la réalisation de certaines de ses priorités essentielles, notamment la mise en œuvre des principes du Socle européen des droits sociaux et de la Convention des Nations Unies relative aux Droits des personnes handicapées. Les membres du Parlement européen, à travers l’adoption de la Déclaration écrite sur l’autisme en 2015, soutiennent la création d’une stratégie européenne de l’autisme. Cette dernière pourrait notamment:
- Encourager les Etats membres à adopter des stratégies nationales intersectorielles ou des plans d’action pour répondre aux besoins des personnes autistes, en ligne avec la CNUDPH ;
- Promouvoir la coordination, entre les Etats membres, de toutes les politiques relatives à l’autisme ;
- Produire des lignes guides en vue d’harmoniser les pratiques et promouvoir la qualité des services de soutien en Europe ;
- Adopter des principes de bonnes pratiques et encourager l’échange entre les Etats membres ;
- Promouvoir la formation en autisme des professionnels dans tous les secteurs ;
- Soutenir la recherche et les réseaux d’experts et établir des partenariats dans l’UE ;
- Soutenir et impliquer les personnes autistes et leurs organisations représentatives à travers le processus.
Parmi les domaines d’action susceptibles de bénéficier de cette coopération figurent, notamment : le dépistage et le diagnostic, le soutien post-diagnostique (lignes directrices européennes sur l’intervention, la formation de professionnels), l’accès à l’éducation (formation, normes communes), le soutien tout au long de la vie (normes de qualité et échange de bonnes pratiques), le soutien à l’emploi et à la vie indépendante (fonds structurels), et la collecte de données et les études de prévalence.
ASDEU est un projet pilote de trois ans, financé par la Direction-générale de la santé et de la sécurité alimentaire (DG SANTE), qui vise à renforcer la compréhension des besoins des personnes autistes et à mieux y répondre.
Informations additionnelles
Télécharger la présentation d’Anthony Agius Decelis (en anglais)
Télécharger la présentation de Pietro Cirrincione (en anglais)