Autisme-Europe et d’autres organisations de personnes handicapées ont adressé une nouvelle lettre aujourd’hui au Secrétaire général du Conseil de l’Europe (CdE) pour réitérer leur forte opposition au projet de protocole additionnel à la Convention d’Oviedo, et exprimer leur profonde inquiétude quant aux violations des droits de l’Homme qui pourraient être commises par le Conseil de l’Europe.
Malgré nos efforts de liaison avec le Conseil de l’Europe (CdE), force est de constater que nos points de vue, exprimés à de multiples reprises, n’ont pas été pris en compte. En mai 2018, nous avions envoyé une lettre ouverte au Secrétaire général du Conseil de l’Europe pour lui faire part de notre désapprobation.
Le Conseil nous a répondu qu’aussi longtemps que les États membres ne s’y opposaient pas (plus particulièrement le Conseil des ministres chargé de représenter les États membres), le comité dirigé par le Comité de bioéthique sur le traitement et le placement involontaires en psychiatrie (DH-BIO) continuerait à travailler sur le projet.
Le CdE poursuit le processus de rédaction malgré la forte opposition des organismes internationaux de défense des droits de l’Homme
Le 15 septembre 2020, Autisme-Europe a rejoint à nouveau le Forum européen des personnes handicapées et 14 autres organisations de défense des droits de l’Homme pour aborder une fois de plus la question du retrait de ce protocole additionnel. La lettre met en exergue les multiples parties prenantes qui y sont opposées, notamment l’Assemblée parlementaire du CdE qui, en juin 2019, a adopté à l’unanimité une résolution sur la fin de la coercition dans les soins de santé mentale, appelant les États membres à entamer immédiatement la transition vers l’abolition des pratiques coercitives dans les établissements de santé mentale.
En dépis de cela, le Conseil de l’Europe poursuit le processus de rédaction et d’adoption du protocole. Nous estimons que ce faisant, le Conseil de l’Europe perdra une crédibilité historique au niveau international en tant que principal promoteur des droits de l’Homme en Europe.
Lettre ouverte au Secrétaire-Général du Conseil de l’Europe concernant le projet de protocole additionnel à la Convention d’Oviedo
Télécharger la lettre sous format PDF (en anglais)
Destinataire : Comité du Bioéthique du Conseil de l’Europe (DH-BIO)
Pour copie :
Commissaire aux droits de l’Homme
Président de l’Assemblée parlementaire
Président du Comité directeur pour les droits de l’Homme (CDDH)
Bruxelles, le 30 novembre 2020,
Au nom du Forum européen des personnes handicapées, organisation faîtière de personnes handicapées défendant les intérêts de plus de 100 millions de personnes handicapées dans l’Union européenne, et de nos membres, en particulier le Réseau européen des (ex-) usagers et survivants la psychiatrie, Mental Health Europe, Autisme-Europe, Inclusion Europe et l’Association européenne des prestataires de services pour les personnes handicapées, nous réitérons notre ferme opposition au projet de protocole additionnel à la Convention d’Oviedo et tenons à exprimer notre profonde inquiétude quant aux violations des droits de l’Homme qui pourraient être commises par le Conseil de l’Europe.
Nos organisations sont engagées dans la discussion sur le projet de protocole additionnel à la Convention d’Oviedo depuis 2014. Dès le début, nous avons exprimé notre opposition à l’élaboration de mesures qui violent les droits des personnes handicapées et sont contraires aux lois internationales sur les droits de l’Homme. Depuis, de nombreux acteurs du système des Nations Unies, de la société civile et du Conseil de l’Europe ont également condamné les travaux entrepris par le Comité de bioéthique sur le traitement et le placement involontaire en psychiatrie.
Tandis que la communauté internationale tend vers l’abolition de la coercition (par exemple avec l’adoption de recommandations fortes découlant de la résolution du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies sur les droits de l’Homme et la santé mentale, adoptée en mars 2020), le Comité de bioéthique et, par conséquent, le Conseil de l’Europe dans son ensemble, fait machine arrière en essayant de légaliser ce qui est pourtant reconnu comme des violations des droits de l’Homme (notamment par le Comité des Nations Unies des droits des personnes handicapées, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et le Comité des Nations Unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes pour n’en citer que quelques-uns).
Même l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’agence spécialisée des Nations Unies pour la santé publique, a reconnu la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH) comme norme de référence des droits de l’Homme en ce qui concerne les droits des usagers des services de santé mentale et a retiré les documents antérieurs à la CNUDPH afin de garantir la conformité avec les normes et standards les plus récents en matière de droits de l’Homme. Le travail de l’OMS est en outre étayé par le guide de bonnes pratiques sur les services de soins de santé mentale dans la communauté, à paraître prochainement, qui promeut les droits de l’Homme et le rétablissement.
En progressant vers l’adoption du projet de protocole additionnel, le Comité de bioéthique et le Conseil de l’Europe perdront une crédibilité historique au niveau international en tant que principal promoteur des droits de l’Homme en Europe.
En cette dernière occasion de formuler des commentaires sur le projet de protocole, nous rappelons au Comité de bioéthique et à tous ses membres que l’adoption du protocole créera un conflit juridique entre les obligations des États au niveau régional (Conseil de l’Europe) et celles au niveau international (CNUDPH). Deux normes différentes s’appliqueront dans les États européens qui, pour la grande majorité, ont ratifié la CNUDPH, créant ainsi un précédent très dangereux pour les droits de l’Homme en Europe et au-delà.
Nous vous prions donc instamment de retirer le projet de protocole additionnel à la Convention d’Oviedo.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre plus haute considération.
Yannis Vardakastanis, Président du Forum européen des personnes handicapées
Olga Kalina, Présidente du Réseau européen des (ex)usagers et survivants de la psychiatrie
Jyrki Pinomaa, Président d’Inclusion Europe
Harald T Neerland, Président d’Autisme-Europe
Jan Berndsen, Président de Mental Health Europe
Luk Zelderloo, Secrétaire-Général de l’Association européenne des prestataires de services pour les personnes handicapées
Ana Lucia Arellano, Présidente de l’Alliance Internationale pour les personnes handicapées (IDA)