Le 13 décembre 2022, le Parlement européen a adopté avec 526 voix pour, 10 contre et 83 abstentions le rapport non contraignant intitulé « Vers l’égalité en faveur des personnes handicapées » proposant des suggestions pour défendre les droits des personnes handicapées et lutter contre la discrimination dans l’Union européenne. Le vote a été précédé d’un débat qui a eu lieu la veille. Au début du processus de rédaction, en avril 2022, Autisme-Europe a pu informer les membres du Parlement européen (MPE) des recommandations pour les personnes handicapées, y compris les personnes autistes.
Le débat du 12 décembre 2022 s’est déroulé au Parlement européen (PE) à Strasbourg, en France, et a réuni 28 députés européens de 18 pays de l’UE, issus de tous les groupes politiques et non-inscrits au Parlement européen. L’eurodéputé suédois Abir Al-Sahlani a déclaré qu’en dépit des différences idéologiques, le PE est parvenu à un bon texte garantissant que les personnes handicapées soient traitées avec le respect auquel elles ont droit.
Le débat a été lancé par la rapporteuse Anne-Sophie Pelletier (France). Pour rappeler au Parlement européen son manque d’accessibilité, l’eurodéputée Pelletier a tenté de prononcer son discours en langue des signes française, mais la vice-présidente autrichienne Evelyn Regner, qui présidait le débat, lui a rappelé d’utiliser l’une des langues officielles de l’Union européenne. Poursuivant son intervention en français parlé, Mme Pelletier a souligné qu’elle avait écouté la voix des personnes handicapées lors de la rédaction de son rapport. Elle a demandé que non seulement les signes internationaux mais aussi les langues faciles à comprendre soient ajoutés comme langues officielles de l’UE. S’adressant directement à la Commissaire européenne à l’égalité, Helena Dalli de Malte, elle a demandé combien de personnes handicapées visibles et invisibles travaillaient dans les institutions de l’Union européenne.
S’exprimant au nom de la commission des pétitions du Parlement européen (PETI), l’eurodéputée allemande Ulrike Müller a souligné les effets cumulatifs de la pandémie de COVID-19 sur le handicap psychosocial. Dans son intervention, la commissaire Dalli a salué la perspective et les engagements communs comme le principal message à envoyer au comité indépendant qui examine actuellement la mise en œuvre par l’UE de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNDPH).
L’eurodéputée autrichienne Theresa Muigg et l’eurodéputée allemande Pierette Herzberger Fofana ont toutes deux insisté sur la violence à l’encontre des personnes handicapées. L’eurodéputée autrichienne a regretté que le débat ne soit pas enrichi de l’expérience vécue de personnes handicapées tandis que l’eurodéputée allemande a pointé du doigt la violence fondée sur le genre à l’encontre des personnes handicapées.
Pour une carte européenne du handicap inclusive
Katrin Langensiepen, membre allemande du Parlement européen ayant un handicap visible, a partagé son impression que sa liberté de circulation personnelle n’était pas prise en compte. Montrant à l’assemblée plénière sa carte du handicap allemande, elle a dénoncé son inutilité lorsqu’elle prend le bus pour se rendre au Parlement européen à Strasbourg et à Bruxelles. Elle a demandé le déploiement de la carte du handicap européenne dans toute l’Union européenne le plus rapidement possible. Enfin, elle a rappelé à son auditoire que les personnes handicapées ne veulent pas de la charité mais des droits de l’homme, une demande relayée par l’eurodéputée irlandaise Grace O’Sullivan.
Le Luxembourgeois Marc Angel souhaite que la carte européenne du handicap puisse être utilisée de manière polyvalente dans l’éducation, l’emploi et les loisirs. Pour rendre la carte inclusive, il demande l’ajout de pictogrammes et d’un code QR pour mettre en évidence que tous les handicaps ne sont pas visibles. Cet ajout serait nécessaire, par exemple, pour les premiers intervenants. L’eurodéputée finlandaise Sirpa Pietikäinen considère que la carte européenne du handicap est un bon début mais demande des obligations similaires concernant l’interopérabilité de la mobilité des personnes handicapées. L’eurodéputé slovène Milan Brglez a indiqué que son pays d’origine était l’un de ceux où la carte pilote du handicap est déjà une réalité et a demandé un déploiement à l’échelle européenne.
Le Portugais João Gusmão, membre du Parlement européen, a insisté sur la nécessité de désinstitutionnaliser les personnes handicapées et de les faire vivre dans la communauté. Il a dénoncé l’utilisation de pseudo-thérapies pour les personnes handicapées comme une violence à leur égard.
Participation à la société des enfants handicapés et de leurs familles
Antonio Maria Rinaldi (Italie) et Mislav Kolakušić (Croatie) se sont concentrés sur les enfants handicapés ayant de grands besoins de soutien. L’eurodéputé italien, père d’un fils handicapé, a rappelé à son auditoire les besoins des parents et des aidants de mineurs handicapés. Le député croate a souligné que certains enfants autistes n’avaient jamais la possibilité de participer correctement à la société. Les parents de ces enfants s’inquiètent, selon lui, de la manière dont leurs enfants vivront de manière indépendante lorsque leurs parents ne seront plus là.
Faire d’un Parlement européen accessible une réalité
Stelios Kympouropoulos de Grèce, membre du Parlement européen en fauteuil roulant, a exprimé sa satisfaction d’avoir pu s’exprimer pour la première fois depuis son élection depuis la tribune avant du Parlement européen, grâce à un aménagement d’accessibilité. Il a exigé la désinstitutionnalisation des personnes handicapées. L’eurodéputé hongrois Ádám Kósa, utilisant le langage des signes, est cependant toujours intervenu depuis son siège en plénière au lieu de la tribune avant. Il a demandé une meilleure utilisation des technologies innovantes pour aider les personnes handicapées.
Selon Radan Kanev (Bulgarie), les différentes situations financières des États membres de l’UE ne sont pas une raison pour dépenser moins d’argent pour les personnes handicapées.
Le débat a été clôturé par la commissaire européenne Helena Dalli qui a rappelé à l’assemblée plénière que les droits ne sont pas négociables. Dans son intervention finale, la rapporteuse Pelletier a demandé le déploiement complet de la carte européenne du handicap d’ici la fin de la législature du Parlement européen en 2024.
Pour revoir le débat, cliquez ici (avec interprétation dans les 24 langues officielles de l’UE)
Lire la transcription du débat dans les langues utilisées par les MPE : ici.
Pourquoi ce débat ?
La Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen a délégué la rédaction d’un rapport non législatif à la députée Pelletier en janvier 2022. Autisme-Europe a pu partager avec Mme Pelletier et son équipe les besoins des personnes handicapées, dont les personnes autistes, au début du processus de rédaction, en avril 2022. Avant la pandémie de COVID-19, Mme Pelletier avait déjà invité Autisme-Europe et d’autres associations internationales de personnes handicapées pour un échange de vues. En outre, l’équipe du député Müller a activement recherché la contribution d’AE lors de la rédaction de l’avis de la commission des pétitions du Parlement (PETI). Autisme-Europe a également eu un échange avec son assistant en avril. En novembre, la commission LIBE a adopté le rapport et la commission du Parlement européen sur l’emploi et les affaires sociales (EMPL) ainsi que la commission PETI ont adopté des avis distincts. La commission de la culture et de l’éducation a envoyé une lettre avec sa déclaration.
Consulte le rapport adopté ici (disponible dans les 24 langues officielles de l’UE)